Théorie de Guillaume Sochon : Le long d'images, histoire de montrer

Produire : Le regard à travers le fil

L'idée pour obtenir une autre appréhension et point de vue du monde et des espaces était de focaliser son propre regard sur un point fixe à proximité de sa propre vision. La focalisation amenait à prendre conscience du champ global en dehors de ce point. Ainsi naissaient des flous. La diffusion des formes et des couleurs est propice à l’imaginaire. Un point de vue amène une liberté d'entrevoir des espaces et des points de vue. L'échange alors avec une personne, adhérent ou pas à ce principe amène à jauger ce qui est perçu, interprété, relaté en fonction de sa propre culture et de ses expériences.

Je réalise des œuvres numériques et installations interactives qui s'inspirent de cette démarche globale sur l'expression d'expériences d’espaces. L'exposition est une façon d'amener à la discussion, à la mise en commun de références et de partager de manière intellectuelle, physique et émotionnelle, les signes de sens, et ce qui échappe à la conscience individuelle et naît de rencontres. L'expérience de chacun est une source vers un avenir de partage et d'amélioration de soi. L’échange ajoute à l'expression ambiante sous forme de happening..

Mon travail puise ses formes dans les ressources de natures, et ses liens avec les traces et activités contemporaines. Le but de ma production interroge les personnes en tant que collectif et l’individu seul.

Mes travaux de conception d'expositions et de happenings interactifs et sonores sont des façons d'amener à la discussion, à des échanges sur les références utilisées propres aux lieux et d’intégrer de manière intellectuelle, physique et émotionnelle, les utilisateurs de mes productions.

Ces multiples pratiques artistiques depuis une vingtaine d’années donnent à voir sur différents supports (plexiglas, bâches, édition, virtuel) les réalisations d’images numériques à caractère sensible et utilisant les flous comme moyen d’approche différente des sujets (thème abordés: la contemplation, la distorsion, l’identification, le sensible à travers la nature, l’animal et l’humain).

Je travaille à relier des éléments technologiques et sensibles avec les personnes qui participent à la déambulation dans l’espace, dans l’œuvre et les installations.

Introspecter : Histoire de regarder

Notre regard est influencé par nos cultures de l’image et nos socialités.

Les photographies, les vidéos, les médias informatifs et récréatifs, les regards portés conscients ou inconscients, nos expériences de vie abreuvent cette culture.

Le temps porté sur les images, l’instantanéité, les discussions que ces images génèrent, mais aussi notre introspection influencent un état d’être, un comportement induit :

Cette mouture évolue selon nos époques et l’envie ou pas de se questionner à regarder.

De quoi avons nous envie pour nous nourrir et nous abreuver ?

Devons-nous maîtriser ce que nous regardons et ce qui nous nourrit individuellement et collectivement ?

Quel pouvoir avons-nous pour notre histoire de regarder ?

Bouc émissariat à l’énergie anthropique : Histoire de se raconter

Travail sur le souvenir, le lien de l’image de l’animal et les aboutissants de croyances : Une affaire de bouc, une odeur plus efficace qu’un antidépresseur et le gardien d’une relativité tranquille.

Dans les années 2010, je travaillais avec une équipe à la restauration d’une demeure dans la région du Gâtinais. Nous montions un échafaudage autour d’un bâtiment. De loin, nous aperçûmes un bouc qui importunait un groupe de personnes, le long de la route. Je l’appelais comme on appelle un chat pour qu’il vienne se faire caresser, ou pour faire diversion, sans me douter que quelques minutes plus tard, une odeur se rapprocherait. Nous vîmes, mon collègue et moi, apparaître ce bouc, encore plus odorant que tout ce que nous aurions pu imaginer.

C’est avec cette odeur insistante et avec le regard idiot de l’animal que nous commencions à rire et à ne plus pouvoir nous arrêter.
L’image est la trace d’un moment en action et déjà passé.

Je n’ai pas d’image de ce souvenir, j’avais réalisé une image d’un bouc et de chèvres en 2019 qui peaufine et étaye ce souvenir. Cette scène me rappelle la nécessité de se déconnecter de réalités trop prenantes, pour digresser.

J’ai appelé l'image présentée ici, bouc émissariat à l’énergie anthropique en référence à ce moment vécu et à la cérémonie cultuelle et religieuse ancienne, judaïque, qui consiste une fois par an à sacrifier un bouc en le perdant dans le désert pour apaiser symboliquement les inepties humaines. Cette bêtise à vouloir rapporter un responsable ou un coupable aux malheurs qui s’abattent sur des individus et sur une société.

Le bouc émissariat est une forme de bureau des pleurs où nous concilierions la relativité de ce qu’est le mal et l’importance de s’en détacher par le rire, le partage, le pardon et la compréhension, bref la relativité des gravités de situations.

Je ne peux encore aujourd’hui me détacher d’un sourire lorsque je pense à ce souvenir.

L’animal au regard marquant, insiste à vouloir donner des coups de tête. L’image de la bête aux longs poils comme une serpillère et aux yeux zébrés et hideux est une petite part du récit des apparences. Le rétroviseur est l’idée du regard vers le passé et les souvenirs.